Sil existe de par le monde toutes sortes de fromages et si cet aliment est presque universellement produit et consommĂ©, la France est sans conteste Le Pays du Fromage. Le pays DES fromages mĂȘme, puisque plus de 1000 variĂ©tĂ©s y sont produites, dont seulement une quarantaine bĂ©nĂ©ficient du label AOC (Appellation d’Origine ContrĂŽlĂ©e) . Et la Nouvelle-Aquitaine alors ? Disons que la plus vaste rĂ©gion de France est mieux Ă©quipĂ©e pour servir ce qui accompagne parfaitement un fromage, Ă  savoir un verre de vin, que pour le fromage lui-mĂȘme. On n’y compte en effet que deux heureux titulaires d’une AOC appellation d’origine contrĂŽlĂ©e et, mieux encore, d’une AOP appellation d’origine protĂ©gĂ©e, l’ossau-iraty et le chabichou, datant de la mĂȘme annĂ©e, 1996. Quatre, avec le rocamadour et le cantal, si on enjambe la frontiĂšre entre Nouvelle-Aquitaine et ses deux rĂ©gions voisines, l’Occitanie et Auvergne-RhĂŽne-Alpes voir l’infographie ci-contre.Des fromages au lait cru brebis pour l’ossau-iraty, chĂšvre pour le chabichou et le rocamadour avec des cahiers des charges trĂšs rigoureux concernant les races ovines ou caprines, leur alimentation, ou les dĂ©limitations gĂ©ographiques. Les terroirs de nos fromages AOP En Nouvelle-Aquitaine, on trouve deux formages titulaires d’une AOC appellation d’origine contrĂŽlĂ©e et, mieux encore, d’une AOP appellation d’origine protĂ©gĂ©e, l’ossau-iraty et le chabichou, datant de la mĂȘme annĂ©e, 1996. Sans mettre en doute leurs qualitĂ©s gustatives ou le talent des producteurs qui les fabriquent, ils n’ont cependant pas la renommĂ©e internationale d’un camembert, d’un comtĂ© ou d’un n’a pas empĂȘchĂ© un ossau-iraty de remporter en 2011 le titre de World’s Best Unpasteurized Cheese » meilleur fromage au lait cru du monde et de Best French Cheese » meilleur fromage français dans un grand concours fromager se tenant en Angleterre. Bien sĂ»r, ces trophĂ©es gastronomiques sont souvent sujets Ă  caution, mais pourquoi se priver d’un motif de satisfaction et d’un cocorico rĂ©gional ? Pourquoi le Sud-Ouest, dont les habitants ne sont pas moins amateurs de fromage que leurs compatriotes le Français en consomme 24 kilos par an, juste derriĂšre le Grec avec ses 25,40 kilos, n’est pas rĂ©putĂ© pour sa propre de rĂ©ponse avec HervĂ© Mons, Meilleur Ouvrier de France installĂ© Ă  Roanne et Ă  Lyon, considĂ©rĂ© comme la sommitĂ© française du plateau. Un brin provocateur, il espĂšre qu’un kilo de fromage se vendra un jour au prix d’un petrus, et souligne que, si le phylloxĂ©ra avait rĂ©duit Ă  nĂ©ant le vignoble rĂ©gional, il y aurait sans doute plus de pĂąturages et donc de production fromagĂšre. Le fromage de brebis ossau-iraty est produit en BĂ©arn et au Pays basque, son terroir d’origine. Il a obtenu l’AOC en 1980 et l’AOP en 1996 DR Dans l’ex-Aquitaine, c’est davantage dans les zones de relief qu’on trouve des fromages avec de la typicitĂ©. » MĂȘme si, rappelons-le, on cultive aussi la vigne sur les flancs de la montagne basque. Je me souviens d’anciens salons Vinexpo oĂč je me chamaillais avec des viticulteurs qui n’admettaient pas qu’un fromage de caractĂšre vienne concurrencer le goĂ»t de leur nectar. Mais les choses ont heureusement Ă©voluĂ©. » En rĂ©alitĂ©, poursuit HervĂ© Mons, il y a une belle production fromagĂšre en Nouvelle-Aquitaine, mĂȘme si elle n’est pas labellisĂ©e. Ils sont surtout issus du lait de chĂšvre, dans les dĂ©partements de l’ancien Poitou-Charentes ou en Gironde, en Dordogne et en Lot-et-Garonne. En dehors du lait qu’elle fournit, la chĂšvre a l’avantage d’ĂȘtre une dĂ©broussailleuse hors pair. » Dans l’ex-Aquitaine, c’est davantage dans les zones de relief qu’on trouve des fromages avec de la typicitĂ©. Plus de 3 400 fromageries en FranceEt, quitte Ă  faire sursauter les gardiens du temple du lait cru, HervĂ© Mons se refuse Ă  snober l’industrie fromagĂšre, bien implantĂ©e dans la rĂ©gion, par exemple avec la Fromagerie des Chaumes, installĂ©e Ă  Jurançon, MaulĂ©on PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques et Saint-Antoine-de-Breuilh PĂ©rigord, et ses marques comme Chaumes, Etorki ou Saint Albray. Citons aussi Fromarsac, Ă  Marsac-sur-l’Isle Dordogne, Ă©galement propriĂ©tĂ© du groupe Savencia, connue pour les fromages Saint MĂŽret, Chavroux ou Tartare. Je considĂšre que la Fromagerie des Chaumes sait inventer et promouvoir une marque, ajoute HervĂ© Mons. Il ne faut pas rejeter ceux qui aiment consommer ces produits. C’est comme quelqu’un qui commence par lire des romans de gare et continuera avec les grands classiques de la littĂ©rature. Il faut aussi admettre qu’on peut ĂȘtre trĂšs raffinĂ©, trĂšs cultivĂ©, et n’avoir aucune attirance pour le fromage. » Bordeaux est une des villes de France oĂč on recense le plus d’ouvertures de crĂ©meries-fromageries Quand HervĂ© Mons assure que les choses ont Ă©voluĂ© depuis les salons Vinexpo auxquels il participait, c’est que la population de la capitale rĂ©gionale n’est plus du tout la mĂȘme qu’il y a trente ans et qu’elle est en perpĂ©tuel mouvement. Beaucoup de Bordelais viennent d’autres rĂ©gions, notamment de rĂ©gion parisienne, souvent avec un bon pouvoir d’achat, et ils apprĂ©cient le fromage. C’est une des villes de France oĂč on recense le plus d’ouvertures de crĂ©meries-fromageries », assure-t-il en Ă©voquant le temps lointain des pionniers Jean d’Alos, Antonin, ou encore le restaurant Baud et Millet, qui, depuis une trentaine d’annĂ©es, ne sert que des plats Ă  base de fromage. En 2020, l’Ifop comptait 3 400 commerces consacrĂ©s au fromage dans l’ensemble du territoire et d’autres ont ouvert depuis. Au lait pasteurisĂ© et au goĂ»t de noixExemple de ces nouveaux et jeunes dĂ©taillants, Sylvette et Louis Salbreux, qui, Ă  l’automne 2019, ont choisi la rive droite bordelaise pour ouvrir Madame Fromage. Beaucoup de clients nous demandent des fromages rĂ©gionaux, Ă  cĂŽtĂ© de produits plus classiques comme une raclette ou un camembert, et nous n’avons que de l’ossau-iraty ou du chabichou Ă  leur proposer », explique Sylvette. Louis et Sylvette Salbreux se sont installĂ©s sur la rive droite bordelaise pour ouvrir la fromagerie Madame Fromage, en 2019. Claude Petit / SUD OUEST Le couple, qui met aussi en avant d’autres produits locaux, comme des yaourts basques, oriente ses clients intĂ©ressĂ©s vers des fromages de la rĂ©gion mais au lait pasteurisĂ©, comme la trappe d’Échourgnac, affinĂ©e en Dordogne au vin de noix, d’oĂč un goĂ»t prononcĂ© qui ne plaĂźt pas Ă  tous les palais. Sylvette Ă©voque aussi un fromage cousin, la tomme des croquants, au mĂȘme parfum de noix un peu moins puissant et originaire du mĂȘme dĂ©partement. Il y a beaucoup de petits producteurs, notamment en Gironde, mais ils prĂ©fĂšrent vendre directement chez eux ou sur les marchĂ©s plutĂŽt que de passer par le tarif professionnel », ajoute Louis Salbreux. Une bonne occasion de partir Ă  la dĂ©couverte de ces artisans et de prendre la route des fromages, comme on le fait pour le vin. Et n’oubliez pas le pain
 La ferme Feranyo gravit le sommet de l’AOC ossau-iraty La ferme Feranyo, au Pays basqueFrĂšre et sƓur, Albert et Sophie Esain fabriquent au Pays basque du fromage de brebis depuis 2007. Un produit apprĂ©ciĂ© et qui se vend bien, avec ou sans label. Mais le coĂ»t croissant de l’alimentation du cheptel a de quoi les inquiĂ©ter. Le fromage de la ferme Feranyo est disponible dans plusieurs points de vente et il est servi dans quelques restaurants du Pays basque. Si on l’achĂšte sur place, le ardi gasna » fromage de brebis en basque de la ferme Feranyo se mĂ©rite avant de se dĂ©guster. Il faut dĂ©passer le village des Aldudes, jusqu’au quartier Esnazu, et emprunter pendant plusieurs minutes une petite route qui monte jusqu’à l’exploitation familiale des Esain, la derniĂšre avant l’Espagne. Ne dites pas Ă  Sophie Esain qu’il vaut mieux ne pas oublier le pain. Elle l’a entendu des dizaines de fois et vous fera vite comprendre que ça l’ et son frĂšre Albert sont les deux piliers de la ferme Feranyo. Mes parents Ă©levaient des brebis et mes grands-parents aussi, explique Albert Esain, 56 ans. La question ne s’est pas posĂ©e pour moi. Je ne saurais pas faire autre chose et je ne vivrais pas ailleurs qu’ici. » Le fils aĂźnĂ© d’Albert, Mathieu, 25 ans, a rejoint son pĂšre et sa tante. Sa sƓur Marine, 22 ans, travaille chez Pierre Oteiza et vient donner un coup de main dĂšs qu’elle a du temps libre. Et le benjamin, Nicolas, 19 ans, termine ses Ă©tudes au lycĂ©e fabrication sur place du fromage est pourtant rĂ©cente. On s’est lancĂ© en 2007, prĂ©cise Albert Esain. Jusque-lĂ , on vendait notre lait de brebis Ă  la coopĂ©rative. » La dĂ©cision implique un investissement important de 200 000 euros pour s’adapter aux normes europĂ©ennes. Et elle charge un peu plus les journĂ©es des Esain, dĂ©jĂ  bien remplies avec, Ă  10 heures et 18 heures, les deux traites quotidiennes du cheptel de manechs Ă  tĂȘte rousse, passĂ© de 300 Ă  700 tĂȘtes, dont 180 agnelles, nĂ©es en novembre. Les brebis manechs de race locale peuvent produire jusqu’à 1 200 litres de lait par jour. Mais leur Ă©levage se fait selon un cahier des charges strict Archives Jean-Daniel Chopin 10 000 tommes pour OteizaEn pleine saison hivernale, les brebis produisent jusqu’à 1 200 litres de lait par jour. La ferme possĂšde Ă©galement un troupeau de porcs Kintoa. On leur donne le petit-lait qu’on n’a pas le droit de jeter, sous peine d’amende, prĂ©cise Albert Esain. La viande est rĂ©cupĂ©rĂ©e par la charcuterie Oteiza. » Pierre Oteiza
 L’homme qui a redonnĂ© vie Ă  la vallĂ©e des Aldudes. Comme tous, nous lui devons Ă©normĂ©ment », reconnaĂźt Sophie Esain. Pour lui, la ferme Feranyo fabrique chaque annĂ©e 10 000 tommes de 1,5 kg, plus faciles Ă  vendre, et aussi bonnes que les autres, mais qui n’ont pas le droit au label Ossau-Iraty. Le cahier des charges est trĂšs prĂ©cis, rappelle Albert Esain. Seules ont droit au label les tommes de 2 Ă  3 et de 4 Ă  5 kilos. Nous en fabriquons environ 150 par an, de chaque brebis, de race locale, doivent ĂȘtre Ă©levĂ©es en BĂ©arn et au Pays basque. Il ne doit y avoir aucun OGM dans leur nourriture et la pĂ©riode de traite varie de six Ă  neuf mois maximum. Enfin, l’affinage doit ĂȘtre de deux mois et demi pour la tomme de 3 kilos et de quatre mois pour celle de 4 ou 5. »Les brebis passent l’essentiel de l’annĂ©e Ă  brouter en extĂ©rieur, ne rentrant que le soir Ă  la bergerie. Elles y sont cantonnĂ©es les jours de neige, nourries au fourrage. Elles ont droit Ă  un complĂ©ment alimentaire composĂ© de graines de betterave, de luzerne, de maĂŻs et de lin. C’est justement ce qui angoisse les Esain. Elles en consomment 100 tonnes par an et le prix va grimper de 200 Ă  460 euros la tonne. Je n’ai jamais vu une telle augmentation. Si je dois passer le relais Ă  mon fils, je ne veux pas lui laisser de dettes. » Les Aldudes semblent tellement loin de l’horreur en Ukraine. Et pourtant
 Dans le Haut Poitou, c’est le chabichou La ferme Georgelet, dans les Deux SĂšvresÀ Villemain, dans les Deux-SĂšvres, Delphine Georgelet a repris en 2020 la ferme de ses parents. À la tĂȘte d’un cheptel de 400 chĂšvres laitiĂšres, elle produit le chabichou en AOC et d’autres fromages, soit 430 000 piĂšces par an. Les fromages sont vendus Ă  la ferme le vendredi, sur les marchĂ©s de Saint-Jean-d’AngĂ©ly et Niort, dans les crĂ©meries et fromageries partout en France et au Japon. La ferme Georgelet est situĂ© 6, route de la Caille, Ă  Villemain. Il n’est de chabichou que du Poitou ! À savoir produit, fabriquĂ© et affinĂ© dans le haut Poitou calcaire, couvrant une partie des Deux-SĂšvres, le sud de la Vienne et le nord de la Charente. Ce fromage de lait de chĂšvre pur et entier, Ă  la croĂ»te blanche, Ă  la pĂąte lisse, souple et onctueuse, bĂ©nĂ©ficie de l’AOC depuis 1990 et de l’AOP depuis 1996. Sa forme ? Une bonde un petit tronc de cĂŽne rĂ©alisĂ© avec 1,3 l de Villemain, dans les Deux-SĂšvres, les 400 chĂšvres de la ferme Georgelet 1 donnent de 450 000 Ă  500 000 litres de lait par an, soit prĂšs de 430 000 fromages proposĂ©s sous 13 formes carrĂ©, palet, tour, tricorne, bĂ»chette, pyramide, tomme
 dont, en AOP, le chabichou et en dĂ©marche AOP, le mothais sur feuille de chĂątaignier. Delphine Georgelet a mis tout en Ɠuvre pour que les chĂšvres de sa ferme de Villemain soient traitĂ©es dans les meilleures conditions Maryan Charruau La traite dĂšs 6 heuresMais les alpine et saanen auraient pu disparaĂźtre du paisible village il y a deux ans, si Delphine Georgelet n’avait pas repris prĂ©cipitamment la ferme Ă©ponyme, créée par ses parents, Paul et Maryse, en 1973. Avec sa famille de trois enfants, elle a quittĂ© Niort et son mĂ©tier de nutritionniste et endossĂ© l’habit de chef d’une entreprise de 12 salariĂ©s, dont 10 femmes. Je me suis jetĂ©e Ă  l’eau. Cela a certes Ă©tĂ© violent, mais surtout passionnant. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai relevĂ© le challenge. La ferme est viable. » StĂ©phane, responsable de la fromagerie du mothais dans la main droite et du chabichou dans la main gauche Maryan Charruau Delphine, 40 ans, se multiplie dans l’exploitation sans jamais se dĂ©partir de son sourire et de ses deux portables. L’Ɠil aux aguets, elle parle des 80 hectares de culture consacrĂ©s aux fourrages, luzerne, ray-grass et mĂ©teil mĂ©lange de cĂ©rĂ©ales. Il me manque 40 hectares pour ĂȘtre en autonomie complĂšte. » Elle dĂ©crit une journĂ©e type ouverte dĂšs 6 heures sur la traite et les 40 postes circulaires dĂ©diĂ©s permettant en parallĂšle un contrĂŽle laitier, soit deux heures de travail et de 3 Ă  3,5 kg de lait collectĂ©s par tĂȘte, jusqu’à 5 en pĂ©riode de grande lactation. Le troupeau peut monter Ă  500 tĂȘtes, plus les chevrettes 130 naissances et la trentaine de jours d’affinageÀ l’instar de la fromagerie toute proche, la chĂšvrerie affiche un Ă©tat sanitaire exemplaire. Le niveau d’exigence est haut placĂ©. Tout est fait pour que les bĂȘtes vivent dans les meilleures conditions. Je rĂ©ponds au mieux aux attentes des salariĂ©s, notamment en termes d’ergonomie. Certaines tĂąches sont contraignantes », reconnaĂźt Delphine. Elle Ă©voque alors l’assainissement bientĂŽt refait Ă  neuf, le projet agroĂ©cologique en route, le parcours de 2 hectares, avec ombriĂšres photovoltaĂŻques, ou le systĂšme de rĂ©cupĂ©ration de pluie 1 mĂštre cube par jour. La chĂšvrerie affiche un Ă©tat sanitaire exemplaire. Maryan Charruau Delphine Georgelet a dĂ©veloppĂ© l’exploitation familiale et modernisĂ© la fabrication du fameux chabichou bĂ©nĂ©ficiant d’une AOC/AOP Maryan Charruau À la fromagerie, StĂ©phane, jovial, dĂ©taille la fabrication du chabichou lait du soir Ă  12 degrĂ©s, ajout de la traite du matin lait entre 20-22 degrĂ©s puis prĂ©sure caillette de chevreau pour Ă©veiller le lait mis dans des bacs 24 heures, moulage 48 heures aprĂšs, fromage retournĂ© 4 fois, et enfin affinage de 11 jours. Restera 160 Ă  180 grammes de produit fini. Puis, ça fondra dans la bouche ! Le rocamadour, 35 grammes de douceur La Fromagerie Lahore, dans le LotDans les Causses du Quercy, Ă  Payrac Lot, Philippe Lahore Ă©lĂšve des chĂšvres laitiĂšres, alpines et saanens, et produit du fromage d’appellation Rocamadour, un palet tendre, crĂ©meux et onctueux. Il vend ses fromages – rocamadour, cƓur 200 g, et couffi eau-de-vie, poivre emballĂ© dans une feuille de chĂątaignier –, prunes et poires, savons de lait de chĂšvre, et des produits artisanaux locaux noix, huile de noix, jus de fruit, biĂšre, confiture, safran, miel, charcuterie... Fromagerie Lahore, Ă  Payrac, lieu dit Toulas, tĂ©l. 09 83 31 07 81. OhĂ© les filles ! BĂ© alors ? Allez, on vient ! VoilĂ , jolies les filles ! » Quelques mots ont suffi pour que les bĂȘtes tournent la tĂȘte, Ă©mettent quelques bĂ©guettements. Et, paisiblement mais avec entrain, elles quittent le sous-bois de chĂȘnes plantĂ©s Ă  flanc de colline ; un vĂ©ritable paradis empli de feuillus, de ronces nichĂ©es dans la pierre, d’herbes encore fraĂźches. Ce troupeau de caprins se compose d’un savant et prĂ©cieux mĂ©lange des races alpine et saanen, un cuir blond, voire blanc cassĂ© pour les premiĂšres, un pelage marron, parfois tirant vers le noir pour les secondes. A la ferme de Payrac StĂ©phane Lartigue/SudOuest Au lait cru 20 000 chĂšvresLe rocamadour, de la famille des cabĂ©cous – petit fromage de chĂšvre », en occitan –, se prĂ©sente sous la forme d’un palet de 35 grammes, 6 centimĂštres de diamĂštre et 1,6 de hauteur. Il est fabriquĂ© exclusivement au lait cru et entier. Sa pĂąte est molle, beige foncĂ© ou ivoire, et sa croĂ»te de couleur blanche. Sa nature crĂ©meuse rĂ©sulte de son affinage de 6 Ă  7 jours zone d’appellation le territoire du Lot et des dĂ©bordements du Causse en CorrĂšze, Tarn-et-Garonne, Dordogne et Aveyron. L’aire d’appellation compte 20 000 chĂšvres, 3 artisans, 1 affineur, une trentaine de producteurs dont 24 fermiers affinant Ă  la ferme, 41 producteurs de lait et 4 de 2021, plus de 38 millions de rocamadours ont Ă©tĂ© commercialisĂ©s, soit l’équivalent de 1 357 tonnes. Elles sont bien lĂ . À l’abri de tout bruit, sinon ceux de la campagne. Les voitures, on les voit au loin. Les chĂšvres pĂąturent librement. Sans stress. C’est important, plus en termes de qualitĂ© que de quantitĂ© de lait. Chaque bĂȘte produit, en moyenne, 2,5 l par jour. Ça pourrait aller jusqu’à 4 litres. Aussi, on travaille sur la gĂ©nĂ©tique. Mais le premier objectif reste la qualitĂ© », affirme Philippe Lahore. ÂgĂ© de 38 ans, il a repris en 2010 la ferme familiale, créée en 1984 par ses parents, Roger et Raymonde, Ă  Payrac Lot, dans les Causses du Quercy, soit 120 hectares dont la moitiĂ© consacrĂ©e Ă  la culture, cĂ©rĂ©ales Ă  paille et fourrage. Son activitĂ© principale reste la production du rocamadour, fromage au lait cru de chĂšvre, labellisĂ© AOC en 1996 et AOP en troupeau compte Ă  l’annĂ©e de 150 Ă  200 tĂȘtes avec les chevreaux, dont une petite dizaine de boucs assurant une partie de la reproduction. Je pourrais avoir plus de chĂšvres et fabriquer plus que les 1 000 Ă  1 500 fromages quotidiens, selon les saisons. Mais, comme mes autres collĂšgues, je ne trouve pas de main-d’Ɠuvre alors que j’aimerais dĂ©velopper mon entreprise. Il y a des jeunes qui se lancent mais pour ouvrir leur propre exploitation. Je m’appuie sur quatre salariĂ©s. On travaille en deux Ă©quipes. Il faut assurer chaque jour de la semaine, avec des pics de fin avril Ă  septembre et Ă  NoĂ«l », relate Philippe Lahore. Je dois jongler entre mes enfants, les chĂšvres, la vente Ă  la ferme, les marchĂ©s, les visites des touristes. J’aimerais amĂ©nager le bĂątiment qui abrite le magasin 1 pour faire table d’hĂŽte. J’ai dĂ©jĂ  un gĂźte. Je travaille avec les campings du village et ceux des alentours. Nous sommes gĂątĂ©s, Payrac est Ă  18 kilomĂštres de Rocamadour et 25 de Sarlat. » Je dois jongler entre mes enfants, les chĂšvres, la vente Ă  la ferme, les marchĂ©s, les visites des touristes Philippe Lahore est Ă  la tĂȘte de son troupeau qui pĂąture une fois effectuĂ©e la traite de 6 heures. Les chĂšvres rentrent Ă  la stabulation vers midi. StĂ©phane Lartigue/SudOuest Six jours minimun d’affinage Allez les filles, on se tourne, on montre son beau visage ! » Quelques chevrotements plus tard, aprĂšs avoir posĂ© pour l’objectif, alignĂ© selon un ordre prĂ©cis, traduction d’un respect gagnĂ© au fil du temps, la cheffe de bande guide le troupeau jusqu’à la stabulation. En file indienne. Il est midi. On rentre Ă  l’étable. On ressortira demain, une fois passĂ©e la traite de 6 heures. Un second troupeau pĂąturera l’aprĂšs-midi et rentrera, Ă  peine guidĂ©, pour la traite de 18 heures, sur l’un des 18 postes installĂ©s dans la stabulation. Les contrĂŽles et autocontrĂŽles sont nombreux tout au long de l’annĂ©e, avec notamment cinq prĂ©lĂšvements oĂč sont apprĂ©ciĂ©s la qualitĂ© du lait, le goĂ»t et l’esthĂ©tique du fromage », note Philippe Lahore StĂ©phane Lartigue/SudOuest Le lait du soir et de la veille part directement dans une cuve en inox pour 24 heures et reçoit un ferment. Le matin une prĂ©sure coagulant est ajoutĂ©e. AprĂšs avoir Ă©tĂ© versĂ© dans une deuxiĂšme cuve, puis vidĂ© dans des sacs, le petit-lait est sĂ©parĂ© du caillĂ© matiĂšre grasse, avec prĂ©-Ă©gouttage de 24 heures. Les sacs sont vidĂ©s dans des bassines puis des moules. Une fois dĂ©moulĂ©, chaque fromage part en salle d’affinage pour 6 jours minimum. La suite ? Il suffit d’ouvrir la bouche. Les coups de cƓur du fromager Ne demandez surtout pas au crĂ©mier-fromager bordelais Pierre Rollet-GĂ©rard, dĂ©couvreur hors pair de producteurs, de vous parler des fromages rĂ©gionaux. Avec la franchise, plutĂŽt abrupte, qui le caractĂ©rise, il vous rĂ©pondra qu’il s’en fout. C’est bon pour les touristes, ça. Je vends des fromages, pas des souvenirs. Un fromage, il est bon ou pas, peu importe d’oĂč il vient. » Ça, c’est dit...La vĂ©ritĂ© est plus nuancĂ©e. Quand il n’est pas dans son magasin du cours Portal, Ă  Bordeaux, dans celui de Libourne oĂč il dĂ©marrĂ© dĂšs 2006 ni dans son entrepĂŽt de grossiste au marchĂ© de Brienne, Ă  Bordeaux, Pierre Rollet-GĂ©rard, l’ institution du fromage » le nom lui fait froncer le sourcil, sillonne les routes de la rĂ©gion, et mĂȘme du pays, Ă  la recherche des meilleurs produits. Et ne lui parlez pas de petits producteurs », ça l’énerve de ses dĂ©couvertes sont dues au bouche-Ă -oreille, par la voisine de la mĂšre d’une amie », et, assure-t-il, ce sont souvent les femmes qui fabriquent les meilleurs fromages. Sa sĂ©lection Voici sa liste, arbitraire et non exhaustive les fromages de chĂšvre de Jean-François et ValĂ©rie Bandet, Ă  Cocumont 47. En Lot-et-Garonne Ă©galement, ceux en forme de grosse goutte de Monique Valenti, Ă  Virazeil. C’est une copine, mais je ne veux pas mĂ©langer l’affectif et le commerce. ». À Saint-Romain-et-Saint-ClĂ©ment 24, le grand Meaulnes » de la ferme Teinteillac, un chĂšvre Ă  l’huile de la vallĂ©e d’Ossau, Ă  Louvie-Juzon, le petit louvie ou le crottin de la ferme Frady. Le truc est qu’elle me fournisse suffisamment pour amortir le transport et qu’elle en garde assez pour sa vente personnelle. »À Lucgarier, prĂšs de Soumoulou, le Gaec EspĂ©rance, de GĂ©raldine et CĂ©dric, une tomme de vache fabriquĂ©e avec du lait de race bĂ©arnaise, un des derniers troupeaux qui Villefranque-en-Bigorre 65, l’anneau du Vic-Bilh ou le palet de Bigorre, fabriquĂ©s par Pierre Lebbe, qui mĂ©thanise les excrĂ©ments de ses chĂšvres pour produire son Ă  Viger 65, les fromages caprins d’Alice, de Nicolas et de NoĂ«l, du Gaec des Trois-Corneilles. À Ahaxe, prĂšs de Saint-Jean-Pied-de-Port, au Pays basque, le brebis Ă  pĂąte molle, façon reblochon, de Pauline BarbĂ©, rencontrĂ©e grĂące Ă  sa sƓur Marie, qui, avec son associĂ©e, AurĂ©lie Holley, produit Ă  Buzy un greuil inimitable ».Un autre brebis Ă  pĂąte molle, l’igaitxipia, de la ferme Igaya, Ă  les tommes de brebis, le choix ne manque pas. Avec un penchant assumĂ© pour les fromages en forme de lingot ou de carrĂ©, donc affinĂ©s plus vite, de Marion et Manu, bergers transhumants, installĂ©s Ă  la ferme Ossiniri, Ă  Borce. Ils fabriquent Ă©galement de la tomme de vache et du mixte Rollet-GĂ©rard propose aussi un vache venu du BarĂ©tous, qu’il personnalise en le frottant au whisky Moon Harbour, distillĂ© Ă  la Base sous-marine de Bordeaux. La croĂ»te prend une teinte orange magnifique. À la saison des vendanges, il propose enfin son bleu de Bordeaux », un bleu d’Auvergne macĂ©rĂ© au marc de raisin en provenance des vignes du ChĂąteau Le Puy, Ă  Saint-Cibard. Cejoli couteau Yana, dont la forme rappelle celle des BigoudĂšnes Ă  la haute coiffe, sera superbe posĂ© sur votre table, lors de votre prochaine dĂ©gustation de fromage ! ImaginĂ©, dĂ©veloppĂ© et fabriquĂ© en France. 2 coloris au choix. Dimensions : 21 x 3 cm. 29,90 €.

1 "Il est gourmand comme la minette, comme la chatte" en patois auvergnat. Es goulard coumo lo mino1AbbĂ© Vayssier,Dictionnaire patois-français du dĂ©partement de l’Aveyron, 1979. 1À la faveur de l’engouement rĂ©cent pour le haut plateau de l’Aubrac, touristes, gourmets, critiques gastronomiques et originaires de retour au pays ont le goĂ»t de l’Aubrac Ă  la bouche un goĂ»t au sens de saveur original issu du terroir et pĂ©tri de cette nature si singuliĂšre et envoĂ»tante. Ainsi le journaliste Jean-Louis Galesne dĂ©finit-il l’expĂ©rience gustative proposĂ©e par le chef cuisinier Michel Bras On vient du monde entier rencontrer cet homme de foi qui a mis sa cuisine au service de la nature, et recompose dans l’assiette avec exactitude son image nourriciĂšre Ă  partir des ingrĂ©dients les plus divers, lĂ©gumes plus d’une centaine Ă  l’annĂ©e, herbes, fleurs, etc., extraits de la terre avec le plus grand soin. Des assiettes animĂ©es d’une multitude de combinaisons qu’il qualifie de ’niac’, structures d’élĂ©ments visuels, odorants et gustatifs, qui, assure-t-il, animent, dynamisent et provoquent la rĂ©flexion » Galesne, 2002. 2Mais de quel goĂ»t de l’Aubrac parle-t-on ? S’agit-il du goĂ»t forgĂ© par la nĂ©cessitĂ© exprimant les efforts quotidiens du cuisinier pour agrĂ©menter les prĂ©parations de quelques additifs destinĂ©s Ă  complĂ©ter les besoins nutritionnels et Ă  rompre la monotonie gustative ? Ou bien du goĂ»t esthĂ©tisĂ© et mĂ©diatisĂ© liĂ© Ă  la prĂ©fĂ©rence pour l’environnement des expĂ©riences gustatives et au choix du lieu oĂč naĂźt le dĂ©sir de goĂ»ter Plet, 1995 ? 3La rĂ©flexion porte sur les relations nouĂ©es entre la dimension organoleptique et un espace et sur les modalitĂ©s d’émergence et de dĂ©veloppement d’un goĂ»t dans un contexte spatial dĂ©fini Ă  travers la cuisine. Elle est nĂ©e d’entretiens avec Michel Bras, restaurateur triplement Ă©toilĂ©, natif, amoureux du lieu et de ceux qui l’habitent, aurĂ©olĂ© d’une notoriĂ©tĂ© internationale, dans la volontĂ© de mieux comprendre le rapport goĂ»t/ territoire. Car, en l’entendant, il semblait qu’il y avait deux façons de dĂ©finir le goĂ»t de l’Aubrac. La premiĂšre hypothĂšse est qu’il existe une ambiguĂŻtĂ© du sens de goĂ»t quand on l’associe Ă  un nom de lieu. La seconde est qu’il se dessine une complexification rĂ©cente de la caractĂ©risation du goĂ»t de l’Aubrac. 4On se propose donc ici de montrer le glissement d’un goĂ»t de l’Aubrac Ă  un autre. D’un goĂ»t du terroir... Saveurs ordinaires l’acide et le gras 2 Le mange-tout de Saint-Fiacre Phaseolus vulgaris est une variĂ©tĂ© trĂšs anciennement cultivĂ©e de ha ... 3 Petite poire locale produite dans le RougiĂ©, prĂ©parĂ©e en compote ou cuite au four. Il s’agit d’une ... 5La saveur acide dominait trĂšs nettement dans les prĂ©parations culinaires prĂ©parĂ©es par le groupe social qui habitait et mettait en valeur le haut plateau de l’Aubrac. Elle s’exprimait d’une part par l’aciditĂ© des produits locaux les lĂ©gumes verts chou, blette, mange-tout de Saint-Fiacre2, les herbes condimentaires oseille, ortie, pissenlit... et les rares fruits consommĂ©s pĂ©rous3 et d’autre part par l’aciditĂ© issue de la fermentation acide qui permettait de conserver sur de longues pĂ©riodes des productions saisonniĂšres les fromages et les vins de Marcillac au goĂ»t Ăącre et framboisĂ© reconnu. 6Le pain de l’Aubrac se distinguait aussi par son aciditĂ© prononcĂ©e. En effet, il Ă©tait fabriquĂ© avec du levain aigre qui permettait une meilleure conservation mais dĂ©veloppait une forte ĂącretĂ©. Pourtant, le pain Ă©tait l’aliment de base bien qu’il fĂ»t de mauvaise qualitĂ©, peu agrĂ©able au palais et relativement indigeste comme le rappelle Jean- Michel Guilcher dans une Ă©tude pluridisciplinaire consacrĂ©e Ă  l’Aubrac La plus grande pauvretĂ© rĂšgne sur les campagnes. Le cultivateur ne possĂšde rien, pas mĂȘme les meubles grossiers dont il se sert ; il n’a souvent pour toute nourriture que du fromage avec des chĂątaignes et des pommes de terre. Son pain, fait d’un tiers d’orge sur deux d’avoine, est peu substantiel, on en compte quatre livres par personnes ; dans deux cantons il est de seigle pur, mais dans le Causse il est souvent d’avoine seule » Guilcher, 1970-73, p. 19. 7Dans le mĂȘme temps, le pain Ă©tait Ă©galement un ingrĂ©dient essentiel de la cuisine. La patranque Ă©tait un plat de pain de campagne trempĂ© et liĂ© de tome fraiche de Laguiole. Les soupes se composaient de pain mouillĂ© de bouillon gras voire simplement d’eau chaude. Ainsi Jean-Michel Guilcher relate-t-il le souper d’un groupe de faneurs au XIXe siĂšcle sur le plateau A Chaudes-Aigues, ils feront halte. Une maison amie leur prĂȘtera une marmite. Ils y couperont du pain graissĂ© d’un peu de saindoux. Ils y verseront de l’eau chaude puisĂ©e Ă  la source publique. Ce sera leur soupe » Idem, p. 21. 4 CrĂȘpes de sarrasin arrosĂ©es d’huile de noix. 8De mĂȘme, le beurre burre de montanha, fabriquĂ© non pas Ă  partir du lait entier mais du petit lait rĂ©servĂ© aprĂšs le caillage lors de la fabrication de la tomme de Laguiole, prĂ©sentait un goĂ»t particuliĂšrement acide s’expliquant par la prĂ©sence de prĂ©sure. D’une maniĂ©re gĂ©nĂ©rale, les corps gras Ă©taient trĂ©s apprĂ©ciĂ©s et usitĂ©s en cuisine. Les pratiques culinaires rĂ©vĂ©laient l’utilisation des trois graisses principales le beurre aligot, fouace, gĂąteau Ă  la broche, les huiles de noix et d’olives estoufinado, pompe Ă  l’huile, bourriols4 et le saindoux ou graisse de porc salĂ©e pica-aucel, gargouilllou. 9Les associations culinaires gras /acide Ă©taient frĂ©quentes. Le pica-aucel en Ă©tait un exemple 5 Christian-Pierre Bedelet les estatjants del canton de La Giola, 2001, p. 208. Le jour oĂč l’on cuit le pain, maman prĂ©pare le pica-aucel. Elle hache du persil, des blettes, de l’ail, du lard cuit avec la soupe. Elle mĂ©lange ce hachis avec de la farine, des Ɠufs, un peu de lait. Elle ajoute des pruneaux secs en hiver et, Ă  la saison, des cerises. Sel et sucre Ă  volontĂ©. Elle le fait cuire Ă  la cocotte, dans le four Ă  pain. Il se mange froid ou chaud »5. 10Il pouvait ĂȘtre Ă©galement rĂ©alisĂ© avec de l’oseille, des orties, des pissenlits et des poires. Donner du goĂ»t 11Un goĂ»t Ă©lĂ©mentaire s’exprime par la valorisation quotidienne des bas morceaux et des sous-produits carnĂ©s et de la pomme de terre. 6 Le plat est cuisinĂ© le dimanche matin et dĂ©gustĂ© avant de se rendre Ă  l’église. Il est accompagnĂ© d ... 12Les prĂ©parations de sang et d’abats sont particuliĂšrement nombreuses et variĂ©es. Concernant la viande de porc, la courada est une saucisse de viande de porc coupĂ©e au couteau, agrĂ©mentĂ©e d’un mĂ©lange de cƓur, de rognon et de poumon cuit. Elle est consommĂ©e, soit demi-sĂšche, soit cuite dans un bouillon de lĂ©gumes avec des lentilles de la PlanĂšze. Les fricandeaux sont des boules de pĂątĂ© foie, poumon, hachis et rillons, blettes, choux enrobĂ©es par le pĂ©ritoine de l’animal. Dans les communes de La Trinitat et de Saint-Urcize, deux boudins sont confectionnĂ©s un boudin gras formĂ© de sang, de viande hachĂ©e, de biscuits, de sucre, de sel et de poivre enfilĂ© dans le gros intestin et un boudin maigre formĂ© de sang, de sel et de poivre enfilĂ© dans l’intestin grĂȘle. Concernant les autres viandes, les tripous6 rĂ©gion de Laguiole, de Saint-ChĂ©ly d’Aubrac et d’Aubrac ou trĂ©nel rĂ©gion de Millau ou encore pĂ©tites rĂ©gion d’Espalion sont des prĂ©parations de tripes farcies assaisonnĂ©es d’ail, d’oignon et de persil et agrĂ©mentĂ©es de jambon sec de porc, ficelĂ©es d’un boyau ou cousues puis cuites longtemps et doucement au four du boulanger Figure 1. Les tripous sont Ă  base de veau panse farcie de fraise et d’abats d’agneau selon une recette de GeneviĂšve Bouldoire en 1864. Ils sont roulĂ©s ou faconnĂ©s en boule. En 1948, G. Subervie prĂ©sente la recette de M. Laplange d’Entraygues qui se compose de tripes de mouton coupĂ©es en carrĂ© et farcies de lard, de poitrine, de jambon sec de porc et de pieds de mouton dĂ©sossĂ©s. Le trĂ©nel est essentiellement Ă  base de mouton, parfois de brebis gras-double et fressure ou de jeunes veaux selon une recette de Colette BarbĂ© en 1903. Les pĂ©tites sont Ă  base de pansettes d’agneau. 13Lors des repas familiaux exceptionnels et des jours de fĂȘte, le pastre est cuisinĂ©. Il s’agit de la poche du gros intestin du porc garnie des petits os du sternum encore charnus assaisonnĂ©s de sel, de poivre et d’ail, pendue Ă  cĂŽtĂ© des saucisses et des saucissons durant tout l’hiver avant d’ĂȘtre cuite dans une soupe. 7 Il s’agit du caillĂ© pressĂ©, non salĂ© et lĂ©gĂšrement fermentĂ©. 8 L’aligot Ă©tait servi par les religieux du plateau aux pĂšlerins en route vers Saint- 14Le goĂ»t de la pomme de terre est omniprĂ©sent. Le trĂšs cĂ©lĂšbre aligot est une prĂ©paration Ă  base de pommes de terre Ă©crasĂ©es et de crĂšme fraĂźche enrichie de tomme fraĂźche de Laguiole7. Son nom trouve son origine dans le mot baslatin aliquid qui signifie quelque chose Ă  manger »8. Dans son Dictionnaire, H. Affre revient sur l’étymologie du mot Ce mot français d’origine moderne a la mĂȘme signification que les mots patois oligot, oligouot qui dĂ©signent un mets particulier aux montagnes de Laguiole [...]. La recette de ce mets, qu’on chercherait vainement dans le parfait cuisinier’, est des plus simples. Dans une poĂȘle Ă  frire bien lavĂ©e et bien frottĂ©e, on met une quantitĂ© convenable de beurre frais et lorsque, sur un feu clair et rĂ©guliĂšrement entretenu, le beurre est fondu, on prend des pommes de terre prĂ©alablement cuites Ă  l’eau qu’on dĂ©pose dans le beurre et qu’on Ă©crase jusqu’à rĂ©duction. Cela fait, on prend, en quantitĂ© Ă©gale aux pommes de terre, de la tomme ou fromage encore imparfait qu’on divise en tranches aussi minces que possible et qu’on met Ă  son tour dans la poĂȘle [...]. On reconnaĂźt que la cuisson est suffisante et l’aligot prĂȘt Ă  ĂȘtre servi parce que la matiĂšre est devenue filante comme la fourme ou le gruyĂšre dans une soupe bien mitonnĂ©e » Affre, 1974. 15 Tourner » l’aligot demande une grande dextĂ©ritĂ©. En effet, une fois le fromage incorporĂ©, l’aligot doit ĂȘtre battu suffisamment longtemps pour qu’il file » en formant de longs rubans homogĂšnes et souples. Si la prĂ©paration est trop battue, elle casse ». Si elle est trop chauffĂ©e, elle granule et ne file » plus. Plus l’aligot file », plus il est rĂ©ussi. Le retortihat ou truffade rĂ©gion d’Espalion se compose de pommes de terre cuites en robe des champs, coupĂ©es en rondelles puis poĂȘlĂ©es avec de l’oignon. La prĂ©paration est recouverte de tranches Ă©paisses de tome fraĂźche de Laguiole. Le gargouillou est un plat de pommes de terre mouillĂ© d’eau et ajustĂ© d’une tranche de jambon cru de montagne pour donner du goĂ»t. Un rapport local Ă  la viande de bƓuf 9 PrĂ©cĂ©dĂ© de l’article dĂ©fini singulier, le mot montagne et non plateau dĂ©signe les monts d’Aubrac ... 16Il existe un rapport ancien et ancrĂ© Ă  la viande de bƓuf. Les vaches de race Aubrac occupent la montagne9 Ă©ponyme. Selon une particularitĂ© » soulignĂ©e dans l’Inventaire du patrimoine gastronomique de la rĂ©gion Midi-PyrĂ©nĂ©es, il s’agit d’une race rustique qui vit en symbiose avec le milieu naturel de l’Aubrac qui lui a donnĂ© son nom. Elle est bien adaptĂ©e et supporte les fortes amplitudes climatiques entre Ă©tĂ© et hiver » CNAC, 2000, p. 231. Le plateau est donc le berceau de cette race dĂ©crite dans une documentation interne du syndicat de dĂ©fense Union Aubrac les animaux ont une robe unicolore variant du fauve au gris froment, plus foncĂ©e sur l’encolure pour les mĂąles. Les muqueuses, la pointe des cornes et le bout de la queue sont noirs. Le tour du mufle et de l’Ɠil sont blancs soulignĂ©s de noir ». 10 À partir du XIIe siĂšcle, les abbayes d’Aubrac et de Bonneval offrirent le gĂźte et soignĂšrent les pĂš ... 17L’élevage est destinĂ© Ă  la production laitiĂšre Ă  orientation fromagĂšre10. Mais la viande de bƓuf d’Aubrac est particuliĂšrement rĂ©putĂ©e depuis le XVIIIe siĂšcle. Les bƓufs Ă©taient engraissĂ©s durant l’hiver et le printemps pour ĂȘtre consommĂ©s lors de la fĂȘte des Rameaux et Ă  PĂąques. La viande de bƓuf Ă©tait Ă©galement rĂ©guliĂšrement utilisĂ©e pour prĂ©parer des bouillons gras. Les plats de bƓuf ont toujours Ă©tĂ© garnis On ne s’étonnera pas que les plats de viande soient presque toujours des plats complets oĂč la viande et les lĂ©gumes ont cuits en mĂȘme temps. C’est une consĂ©quence directe des procĂ©dĂ©s de cuisson. Lorsque l’on porte un plat de viande au four du boulanger on ne va pas cuire des lĂ©gumes Ă  part, chez soi. Autant que le jus de la viande profite aux lĂ©gumes » Bras. 18Les saveurs sont fondues. 19Le goĂ»t de terroir est donc forgĂ© par le cuisinier. Il s’exprime par les tours de mains personnels du cuisinier pour donner du goĂ»t. Il n’est pas valorisĂ© c’est un goĂ»t dĂ©pendant du rapport Ă  la nĂ©cessitĂ© et au local mĂȘme si des Ă©changes avec l’extĂ©rieur existent. 
 Ă  un goĂ»t de pays 11 Le poĂšte Henri Pourrat en donne une description imagĂ©e "L’Aubrac, on y est dans l’air. Jamais, je ... 20MalgrĂ© des conditions climatiques hivernales particuliĂšrement rudes11 et des paysages Ă  l’allure dĂ©sertique et austĂšre, les regards extĂ©rieurs avivent une esthĂ©tisation du goĂ»t en relation Ă©troite avec le caractĂšre appĂ©tissant des paysages du plateau. Depuis une vingtaine d’annĂ©es, on assiste Ă  l’émergence d’un goĂ»t de l’Aubrac qui se charge d’une dimension visuelle l’esthĂ©tique des paysages voire pluri-sensorielle. RĂ©vĂ©lĂ© par le chef cuisinier Michel Bras, il est diffusĂ© par les gourmets, les touristes Ă©pris de culture paysanne, les nĂ©o-ruraux sous idĂ©ologie Ă©cologiste et les originaires de retour au pays. Stimulant les cinq sens, il figure l’Aubrac. Manger » les paysages de l’Aubrac Ă  la fourchette 21MalgrĂ© une relative banalitĂ© et une franche austĂ©ritĂ©, les paysages de l’Aubrac ont toujours fascinĂ©, envoĂ»tĂ© et attirĂ©. Julien Gracq donne une dĂ©finition poĂ©tique de cette petite immensitĂ© » Une attraction sans violence, mais difficilement rĂ©sistible, me ramĂšne d’annĂ©es en annĂ©es, encore et encore, vers les hautes surfaces nues — basaltes ou calcaires — du Centre et du Sud du Massif l’Aubrac, le CĂ©zalier, les PlanĂšzes, les Causses. Tout ce qui subsiste d’intĂ©gralement exotique dans le paysage français me semble cantonnĂ© lĂ  c’est comme un morceau de continent chauve et brusquement exondĂ© qui ferait surface au-dessus des sempiternelles campagnes bocagĂšres qui sont la banalitĂ© de notre terroir. Tonsures sacramentelles, austĂšres, dans notre chevelu arborescent si continu, images d’un dĂ©pouillement presque spiritualisĂ© du paysage, qui mĂȘlent indissociablement, Ă  l’usage du promeneur, sentiment d’altitude et sentiment d’élĂ©vation » Gracq, 1960. 22L’émergence du goĂ»t de pays est Ă  mettre en relation avec la demande sociale actuelle de consommation rĂ©elle et idĂ©elle de paysages qui se traduit, sur le plan gustatif, par le dĂ©sir de manger » les paysages Ă  la fourchette. Du cĂŽtĂ© de l’offre, pour le chef cuisinier Michel Bras, plat et plateau se rĂ©vĂšlent mutuellement dans une consubstantiation. Aussi la composition de ses assiettes montre-t-elle une ressemblance avec les paysages Mes assiettes racontent une histoire, retracent une dĂ©marche intuitive. Je veux qu’elles tĂ©moignent des paysages, des roches, des ciels et des lumiĂšres qui font ma vie » Bras. 23C’est pourquoi il a souhaitĂ© dessiner une salle de restaurant ouverte sur l’extĂ©rieur et a tournĂ© les tables vers le plateau de l’Aubrac Le corps principal — restaurant, accueil et salon — est une forme basaltique longiligne qui jaillit de la terre, biaise et massive, buron retrouvĂ©. Elle est le toit, elle flotte sur un soubassement de verre, qui la rend aĂ©rienne, contrastant avec son origine souterraine, amenant une conscience de jaillissement. La salle de restaurant s’ouvre sur l’extĂ©rieur, permettant Ă  la lumiĂšre de se glisser [...]. De ce lieu que nous avons voulu magique, l’Aubrac se met en scĂšne par des points de vue, des cadrages pour le plaisir de tous les sens. Un Aubrac qui nous rassure sur les vĂ©ritables valeurs du Bon et du Beau » Idem. 12 Selon le sociologue de l’alimentation Jean-Pierre Poulain, dans le cas d’une incorporation positive ... 24Du cĂŽtĂ© de la demande, le dĂ©gustateur communie donc avec l’environnement naturel de sorte qu’il ait le sentiment de l’incorporer ». Il s’agit d’une incorporation positive qui consiste Ă  ingĂ©rer les caractĂ©ristiques positives des paysages12. Tout en dĂ©gustant les produits cuisinĂ©s, le dĂ©gustateur communie directement avec les paysages qui les ont vus naĂźtre et communique, indirectement, avec les producteurs qui les ont façonnĂ©s Pitte, 1993. Bon et Beau13 le goĂ»t esthĂ©tisĂ© 13 Il s’agit de l’expression utilisĂ©e par Michel Bras pour prĂ©senter son rĂ©pertoire de producteurs " ... 25Il existe un double processus d’esthĂ©tisation du goĂ»t de l’Aubrac Ă  travers, d’une part la valorisation de ce qui est le plus ordinaire et d’autre part la mise en scĂšne de l’exceptionnel par le truchement de l’alliage du beau et du bon. 26Ainsi existe-t-il une rĂ©cupĂ©ration positivĂ©e des propriĂ©tĂ©s gustatives de l’Aubrac lisible, par exemple, Ă  travers la rĂ©appropriation du rapport Ă  la viande de bƓuf. La jolie description rĂ©alisĂ©e par Michel Bras est rĂ©vĂ©latrice À un moment oĂč la viande de bƓuf est en perte d’identitĂ©, en Aubrac, les pĂąturages nourrissent des bĂȘtes aux yeux ourlĂ©s de noir qui offrent une alternative rassurante quant Ă  l’avenir de la filiĂšre viande de goĂ»t. CertifiĂ© par un Label rouge, le bƓuf fermier Aubrac offre une viande mĂ»re qui renoue avec notre mĂ©moire. Elle est belle Ă  regarder, prĂ©sentant une pigmentation rouge rubis, elle sent bon, offrant cette odeur franche pleine de promesses. Elle est goĂ»teuse, proposant une texture, une mĂąche qui peut parfois dĂ©ranger mais qui est Ô combien rassurante sur son origine ». 27Aussi propose-t-il de dĂ©guster la CĂŽte de bƓuf Aubrac — pure race — rĂŽtie Ă  la braise ; beurre mousseux au lard et Ă  l’ail, riz au gras et blette ou encore la Hampe de bƓuf Aubrac — pure race — poĂȘlĂ©e ; croquettes de pomme de terre au fromage de Laguiole, jus aux truffes. 28Mais, il existe Ă©galement une esthĂ©tisation qui se prĂ©sente comme un jeu qui exacerbe la relation au terroir, mais la sort du pĂ©rimĂštre gĂ©ographique strict du plateau et du caractĂšre ordinaire et quotidien. Il s’agit d’une interprĂ©tation impressionniste qui modifie le rapport au goĂ»t et le recharge symboliquement. Le plat intitulĂ© Ombre et lumiĂšre, la lotte de MĂ©diterranĂ©e pochĂ©e Ă  l’huile d’olive noire ; cĂŽtes et feuilles de moutarde est en effet, selon Michel Bras, le plus reprĂ©sentatif de l’environnement paysager. Le poĂšte Patrick Mialon dĂ©finit cette ambiance dont est inspirĂ©e la recette. Et pourtant, plus que tout, c’est vers le gris, lĂ -bas, que vont ma prĂ©fĂ©rence et ma fascination. Plus exactement au rayonnement subtil Ă©manant de cette presque absence de couleur, cette dispendieuse nullitĂ© se faisant jour — la lumiĂšre dans sa nuditĂ© —, ce refus de trancher entre clair et obscur qui fait toute l’intenable beautĂ© de la valse-hĂ©sitation chromatique Ă  laquelle se livrent ces tourbillonnants, ses Ă©poustouflants, presque irrĂ©els nuages dans le dĂ©calque de l’azur. Ni blanc, ni noir mais blanc et noir. Gris. Gris mĂ©tallique de ces beaux ciels d’étĂ©, enceints d’orages magnĂ©tiques, lourds de menaces et qui font retentir jusqu’à l’assourdissement le vert subitement plus profond des pĂąturages comme un tambour battant le rappel d’une promesse indĂ©livrable. Gris d’encre des ciels en cendres, dĂ©composĂ©s, maculĂ©s comme buvard sous la plume du cancre, aux reflets irisĂ©s de ce bleu dĂ©lavĂ©, dĂ©lurĂ©, presque maladif Ă  force d’ĂȘtre sombre, de ce mauve d’outre-monde [...] » Mialon, 1999. 29Le plat est ainsi nĂ© de l’observation d’une portion du plateau de l’Aubrac lorsque les cumulus jouent avec le soleil C’est un ciel d’orage plombĂ© avec une trouĂ©e lumineuse juste au dessus du puech del pont ; et cela ne peut s’appeler ’qu’ombre et lumiĂšre’. Vous dĂ©taillez le filet sur son coulis d’olives noires ; et vous contemplez l’éclat nacrĂ© Ă©mergeant du plomb ; au-delĂ  de la perception consciente des aliments prĂ©sentĂ©s, le jeu des formes, des matiĂšres, des couleurs et de la lumiĂšre insinue en vous une inconsciente beautĂ©, d’autant plus puissante que vous avez confiance en celui qui l’a mijotĂ©e ! Et tandis que s’opĂšre en vous cette alchimie visuelle, l’arĂŽme vous pĂ©nĂštre jusqu’aux moelles, et voici que votre corps s’apprĂȘte. Le nez s’active. Les fumets suscitent en vous de vastes inspirations. Vos papilles en alerte s’éveillent. Vos mains se mettent alors Ă  l’ouvrage et vous portez Ă  vos lĂšvres une premiĂšre bouchĂ©e avant le goĂ»t, le toucher » Bras. 30Ainsi, alors mĂȘme que ce plat emblĂ©matique ne valorise aucun produit issu du plateau, il reste le plus reprĂ©sentatif de l’Aubrac dans la mesure oĂč il traduit trĂšs fidĂšlement sa beautĂ© paysagĂšre et met tous les sens en Ă©veil. 31Le plat apparaĂźt donc chez Michel Bras comme la matĂ©rialisation, d’une part d’une intimitĂ© personnelle et familiale avec le plateau, et d’autre part d’un regard esthĂ©tique sur un paysage Ă  un moment donnĂ© sur une impression » de paysage au sens pictural. Le goĂ»t de l’Aubrac in situ 32Le goĂ»t de pays se charge d’une nouvelle dimension de la relation entre l’organoleptique et le territoire gĂ©ographique la prĂ©sence in situ. Il n’est possible de goĂ»ter que si l’on est dans le paysage. Le goĂ»t de pays est forgĂ© par le cuisinier mais aussi par le dĂ©gustateur. De la part du cuisinier, il est liĂ© Ă  la prĂ©fĂ©rence pour cuisiner lĂ  et au choix du lieu oĂč naĂźt la volontĂ© de cuire et d’assaisonner des produits. De la part du dĂ©gustateur, il est liĂ© Ă  la prĂ©fĂ©rence pour goĂ»ter lĂ  et au choix du lieu oĂč naĂźt le dĂ©sir de manger et de boire. 33Tout en valorisant l’innovation culinaire, la dĂ©gustation in situ se recharge de la mĂ©moire gustative. Aussi cette relation cuisinier / dĂ©gustateur / paysage revĂȘt-elle deux aspects. D’une part, le goĂ»t affectif de l’enfance est re-convoquĂ© avec, par exemple, le Bouillon froid Ă  l’orge, du caillĂ© de vache d’ici et de jeunes blettes ; accompagnĂ© d’une tartine au gras de jambon. Il s’agit de se remĂ©morer le plaisir de goĂ»ter aux mouillettes et au pain trempĂ© de l’enfance. D’autre part, le goĂ»t quotidien est rĂ©interprĂ©tĂ© avec le cĂ©lĂšbre Gargouillou de jeunes lĂ©gumes relevĂ© d’herbes champĂȘtres et de graines germĂ©es, qui se prĂ©sente comme une actualisation / innovation du gargouillou de pommes de terre. Dans le mĂȘme esprit, Provocant mais tellement gourmand, Ă  grignoter, la gaufrette de pommes de terre, crĂšme au beurre noisette et caramel au beurre salĂ© ou encore Comme une tarte, Sur une croĂ»te de pain au noix des tiges de rhubarbe, peau de lait et liqueur douce aux fraises, sont deux prĂ©parations sucrĂ©es rappelant Ă  la fois les deux aliments de base des habitants du plateau et les goĂ»ters cĂąlins et sĂ©curisants composĂ©s de tranches de pain accompagnĂ©es d’un morceau de sucre humidifiĂ© ou d’une tartine garnie de peau de lait. 34Une nouvelle façon de goĂ»ter le pays in situ Ă©merge. Une façon d’affirmer que l’on ne peut pas retrouver ce goĂ»t ailleurs. Durant la pĂ©riode de la diaspora aveyronnaise, il Ă©tait possible de trouver le goĂ»t de l’Aubrac en dĂ©gustant un plat dans un cafĂ©-charbon Ă  Paris, chez un bougnat. Aujourd’hui, il faut se rendre in situ pour retrouver ce goĂ»t de l’Aubrac, ce goĂ»t heureux » inscrit en mĂ©moire. 35Il existe donc deux goĂ»ts de l’Aubrac. Le goĂ»t du terroir se dĂ©finit comme l’expression d’un rapport aux produits Ă  disposition alors que le goĂ»t de pays se rĂ©vĂšle comme la matĂ©rialisation d’un rapport aux paysages. Le premier traduit un rapport nourricier Ă  la nature en terme de ressource et le second un rapport esthĂ©tique. Mais l’un ne se substitue pas Ă  l’autre. Ne s’excluant pas mutuellement, il se produit un mĂ©lange. En effet, ce glissement d’un goĂ»t du terroir Ă  un goĂ»t de pays n’induit pas l’oubli des fondements gustatifs. Ainsi l’habitant du plateau, connaisseur du goĂ»t du terroir peut-il tout Ă  fait rĂ©aliser une nouvelle expĂ©rience gustative en dĂ©couvrant le goĂ»t de pays Ă  travers les compositions paysagĂšres de Michel Bras. Inversement, le touriste ou le gourmet allĂ©chĂ© par le goĂ»t de pays largement mĂ©diatisĂ© et diffusĂ© internationalement peut-il apprĂ©hender le goĂ»t de l’aligot tel qu’on le fait encore dans quelques burons. Le goĂ»t de pays est complexe il renvoie au gustatif mais aussi au visuel et, plus largement, aux cinq sens. Les autres dimensions visuelle, tactile... de l’Aubrac sont donc revisitĂ©es Ă  travers le goĂ»t invitant Ă  la pluri-sensorialitĂ©. 36Aussi, Ă  travers l’exemple du chef cuisinier Michel Bras, assiste-t-on Ă  la construction d’une restauration qui s’appuie sur les piliers du goĂ»t local et qui, dans le mĂȘme temps, le rĂ©interprĂšte, le recharge, le rĂ©nove, et l’esthĂ©tise en y instillant de la crĂ©ativitĂ©. L’Aubrac fait donc le goĂ»t. Et le goĂ»t fait aussi l’Aubrac. Ce goĂ»t possĂšde la couleur de l’Aubrac, l’odeur de l’Aubrac, la texture de l’Aubrac... mais que reste-t-il de l’Aubrac ?

LesgraminĂ©es font partie intĂ©grante de notre environnement mais sont potentiellement allergisantes. Elles provoquent le « rhume des foins » (ou rhinite saisonniĂšre). Afin d’éviter la manifestation allergique, il est utile de les connaĂźtre et de les reconnaĂźtre. Cet ouvrage concernant le Sud-Ouest de la France constitue le premier volet d’une flore des plantes pollinisatrices

LarĂ©gion viticole du Sud-Ouest s’étend sur plus de 57 500 hectares classĂ©s en AOC-AOP, pour une production annuelle de plus de 4,5 Millions d’Hectolitres de vin par an et plus de 6 000 domaines viticoles, 150 maisons de nĂ©goces, 23 caves coopĂ©ratives et 1 000 caves particuliĂšres. La production est reprĂ©sentĂ©e Ă  80% par les vins rouges et rosĂ©s et Ă  20% par les vins blancs Parcoureznotre sĂ©lection de beaded cheese knives : vous y trouverez les meilleures piĂšces uniques ou personnalisĂ©es de nos boutiques. Ilsseront rĂ©partis en plusieurs catĂ©gories : du CE1 au lycĂ©e puis des amateurs et des Ă©tudiants de mathĂ©matiques et enfin des professionnels. Florence . 725 587 499 145 284 156 628 575

fromage et couteau du sud ouest de la france